Je sais, l’été est déjà loin. Mais si vous vous demandez comment occuper vos prochaines soirées hivernales, voici quelques idées que je vous livre.
La trilogie du mal (tome 1 et 2)
Si vous ne connaissez pas Maxime Chattam et êtes en manque de visions d’horreur et de fantasmes touchant aux plus bas-fonds de la nature humaine, procurez-vous illico la trilogie du mal composée de l’âme du mal, in tenebris et Maléfice Vous en aurez pour votre argent et serez quitte pour quelques nuits de cauchemars. La première fois que j’ai lu un livre de cet auteur de polars très gores, je me suis exclamé : « ce type est un grandmalade ! » Pourtant, après une pause durant laquelle je me suis remis l’estomac en place en lisant d’autres romans plus paisibles, j’en ai demandé une resucée.Àtravers des descriptions de crimes tous plus abjectes les uns que les autres, mais aussi des personnages porteurs de fêlures où s’immiscent le bien et le mal dans un même esprit torturé, Chattam remet habilement en question notre confortable manichéisme occidental… Et bien qu’il affirme à chaque prologue de ses ouvrages coller au plus près de la réalité, on ne peut s’empêcher de vouloir la nier et de se faire croire qu’il en rajoute avec délectation face à l’effroi qu’il ne manquera pas de provoquer chez ses lecteurs.
Si vous doutez encore de ce dont est capable votre voisin, lisez d’urgence cette trilogie dont les trois tomes n’ont d’ailleurs que des liens mineurs entre eux et peuvent être lus dans n’importe quel ordre. Un dernier conseil : à moins que vous n’envisagiez une cure d’amaigrissement basée sur le jeûne, ne lisez pas les trois à la suite ! Vous risqueriez d’en être écœuré au propre comme au figuré.
La passion Lippi
L’histoire de la peinture n’a jamais constitué pour moi un sujet d’intérêt. Certainement à cause de la nature même de cet art visuel qu’il est par conséquent difficile de restituer à quelqu’un qui ne voit pas. Mais aussi par la manière souvent trop académique, donc chiante, dont elle est enseignée, au moins en France. C’est donc avec un certain scepticisme que, sur les conseils d’une amie, j’ai entamé la lecture de « la passion Lippi ou l e siècle de Florence » de Sophie Chauveau. Je l’avoue, Lippi m’était totalement inconnu avant queje ne plonge voracement dans ce roman biographique d’un peintre impétueux, à l’esprit indomptable, au talent précoce autant qu’indéniable, ponctionnant l’aristocratie pour flamber aussitôt sa fortune dans les bordels, se faisant moine et engrossant une none. Nul doute qu’au-delà du travail d’historienne dûment documentée, Chauveau s’est prise sinon de passion, du moins de fascination contagieuse pour ce personnage entier, rock’n roll dirions-nous aujourd’hui. Peu importe que l’on ne perçoive pas le rouge qu’il a volé à Tommaso ou l’or qu’il emprunte à FR Angelico. On ressent avec émerveillement et vertige le bouleversement qu’il a provoqué dans la technique picturale, en pleine effervescence du cuatrocento. En sortant de ce livre, on aime ou l’on déteste l’homme qu’il fut, participant également à l’élévation de la dynstie Medicis. Mais il ne peut laisser indifférent. Le terme de « passion » qui figure dans le titre, n’est en rien galvaudé. J’ai hâte de lire le tome II sur Boticelli.
Le voyeur absolu
Troublant et touchant est ce récit d’un photographe aveugle, dont les pages oscillent entre le sensible, le sensuel et le sensoriel. L’auteur, Evgen Bavcar, qui a perdu un premier œil à 7 ans, puis le second à 12 ans, se cramponne désespérément à ses souvenirs visuels qu’il sent s’estomper inexorablement. L’art photographique, d’abord palliatif de sa vision perdue, devient étrangement le médium pour le développement de ses autres sens. Me reste en particulier en mémoire cette scène pendant laquelle il reçoit une jeune fille pour une séance de pose. Elle est gênée par la cécité du photographe. Lui est troublé par sa présence qu’il ne parvient pas à saisir, comme si elle lui échappait. Il entreprend alors de toucher son visage pour mieux en garder l’empreinte dans ses mains. Mais ce qu’il touche, c’est l’impossibilité absolue de remplacer la vue par un autre moyen de perception. Ce ne peut être qu’un substitut inconsistant. L’émotion est palpable tout au long du livre grâce à de belles lignes poétiques nourries de souvenirs, de résiliences visuelles, voire d’évènements fantasmés, malgré la cruauté d’une enfance soumise au déchirement de l’ex Yougoslavie.
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